Chapitre 1:Electrocardiogramme normale

 

1-1-Introduction

 L’électrocardiographie explore l’activité électrique du cœur par enregistrement des variations des ondes électriques de l’activité de polarisation et de dépolarisation ventriculaire  et  auriculaires  du  cœur.  L’activité  cardiaque  constitue  l’un  des  plus importants paramètres déterminant l’état d’un sujet. Elle se traduit par l’apparition de plusieurs  ondes  sur  le  tracé  de  l’électrocardiographe  :  c’est  le  signal  cardiaque, l’électrocardiogramme  ECG.  L'analyse  du  signal  ECG  et  l'identification  de  ses paramètres  constituent  une  étape  primordiale  pour  le  diagnostic.  Cependant,  des sources  de  bruits  telles  que  les  variations  de  la  ligne  de  base,  l'interférence électrique  du  réseau  électrique,  et  d'autres  artefacts, mettent  en  arène  la mise  en œuvre des  techniques d'analyse et d'identification utilisées. Toutefois, un ensemble de méthodes  et  d'algorithme  sont  développés  compte  tenu  de  l'importance  de  ce signal  et  son  exploitation  en  routine  clinique  dans  le  diagnostic  des  cas pathologiques cardiaques. Ce  travail s’inscrit dans ce problématique et présente des algorithmes de détection du complexe QRS.

 

1-2 Le cœur                   

Le coeur est  l’élément central du système cardiovasculaire.  Il sert de moteur au système de circulation sanguine,  il bat avec une  fréquence de soixante à quatre vingt battements par minute chez un adulte en bonne santé. Chaque battement  fait avancer un volume de 70 ml de sang.

Le cœur propulse le sang grâce aux contractions de son tissu musculaire appelé myocarde. Il est séparé en deux par une épaisse cloison. Chaque côté (le cœur gauche et le cœur droit) est composé de deux cavités : une oreillette et un ventricule reliés entre eux par une valve à sens unique. L’oreillette droite récupère le sang pauvre en oxygène (flèches  continues)  de  la  veine  cave  supérieure  et  inférieure,  et  le  propulse  par contraction de son  tissu dans  le ventricule droit. A son  tour  il se contracte et envoie  le sang dans  les poumons où  il est  chargé en oxygène. Le  sang  revient au  coeur dans l’oreillette gauche, puis passe dans le ventricule gauche et est envoyé vers les organes dans le réseau artériel (flèches pointillées).

1.2-2 Origine et propagation de l'activité électrique cardiaque du cœur

Le cœur comporte un réseau intrinsèque de cellules conductrices qui produisent et  propagent  des  impulsions  électriques,  ainsi  que  des  cellules  qui  répondent  à  ces impulsions par une contraction. Une excitation qui naît dans  le nœud sinusal conduit à une  contraction  complète  des  deux  oreillettes  et  des  deux  ventricules.  Pendant  la période  d'activité  (systole) et  de  repos  (diastole)  les  cellules  cardiaques  sont  le  siège d'une  suite  complexe  d'événements  électriques  membranaires  et  intracellulaires,  qui sont à l'origine de cette contraction

Chaque  cellule  cardiaque  contient  différents  ions,  parmi  lesquels  les  plus importants  sont  le  sodium  (Na+),  le  potassium  (K+),  le  calcium  (Ca++)  et  le  chlorure (Cl),  qui  sont  impliqués  dans  les  échanges  membranaires.  Leurs  osmolarités intracellulaire et extracellulaire présentent des valeurs de potentiel électrochimique très différentes,  spécifiques  à  chaque  ion.  Les gradients  des  concentrations  ioniques  sont régis par des mécanismes d'échange à travers des canaux spécifiques de la membrane cellulaire.  Les  variations  de  potentiel  observées  au  cours  du  cycle  cardiaque correspondent  à  des  modifications  de  la  perméabilité  membranaire  pendant  les différentes phases de ce cycle. Au  repos,  l'intérieur  de  la  membrane  cellulaire  est  chargé  négativement  par rapport  à  l'extérieur,  qui  est  pris  comme  référence.  Cette  différence  de  potentiel (potentiel de repos cellulaire) possède une valeur voisine de -90  [mV] pour  les cellules ventriculaires, et dépend des concentrations  ioniques dans  les milieux  intracellulaire et extracellulaire. Quand  une  impulsion  électrique  d'amplitude  suffisante  arrive  à  une  cellule excitable,  l'intérieur de cette cellule devient  rapidement positif par  rapport à  l'extérieur, suite au  flux d'ions Na+ allant de  l'extérieur vers  l'intérieur à  travers  la membrane (voir figure  1.2).  Ce  processus  est  connu  sous  le  nom  de  dépolarisation  cellulaire.  Le processus  inverse, c'est-à-dire quand  la cellule  revient à son état de  repos, est connu sous le nom de répolarisation cellulaire. 

 

1-3-Propagation de l'excitation électrique

L'excitation  qui  est  à  l'origine  du  battement  cardiaque  se  forme  dans  le  nœud sinusal. Ce nœud possède des  cellules auto-excitables qui  constituent un pacemaker naturel  et  qui  permettent  de  générer  des  PA  à  une  fréquence  de  100  par  minute environ. Chaque potentiel d'action du nœud sinusal produit normalement un battement cardiaque, c'est-à-dire que  la  fréquence des  impulsions de ce pacemaker détermine  la fréquence des battements. La propagation de l'excitation s'étend à partir de ce point aux deux  oreillettes  et  au nœud auriculo-ventriculaire  (AV). Ce  nœud  est  situé en  bas  de l'oreillette  droite  et  est  constitué  de  cellules  qui présentent  une  conduction  électrique lente, ce qui  impose à  l'onde de propagation un certain  retard. Ensuite,  l'excitation est transmise au faisceau de His et à ses deux branches.

Le faisceau de His est situé dans la  partie  haute  du  septum  inter ventriculaire  et  ses  fibres  traversent  le  tissu  connectif (non  excitable)  qui  sépare  électriquement  les  oreillettes  des  ventricules.

 

Enfin, l'excitation  électrique  aboutit  au  réseau  de  Purkinje,  qui  la  conduit  au  myocarde ventriculaire. Ce réseau représente la continuation du faisceau de His et arrive dans les parois ventriculaires. Le nœud auriculo-ventriculaire et le faisceau de His constituent la seule  voie  de  propagation  de  l'activité  électrique  cardiaque  entre  les  oreillettes  et  les ventricules . Une étude classique sur  la propagation de  l'excitation électrique dans un  cœur humain peut être  trouvée dans.  Il est à noter que  la  forme du PA  varie selon le tissu considéré, comme nous pouvons le voir sur la figure 2.

Figure 2  Formes de potentiels d'action dans les différentes parties du cœur, et séquence temporellede la propagation de l'activité électrique cardiaque ; analogie avec les ondes de l'ECG (d'après [MP95])

1-4- Electrocardiographie

Vers 1880, E. Marey et A. Waller   montrèrent que  l’activité électrique du coeur, découverte quelques années plus  tôt, pouvait être  suivie à partir de  la peau  ; et  vers 1890,  Willem  Einthoven  ,  réalisa  le  premier  enregistrement  cardiographique.  Le courant mesuré  par  des  électrodes  sur  le  torse  du  patient mettait  en mouvement  un mince  fil  d’argent  tendu  entre  les  pôles  d’un  gros  aimant  ;  ces  déflexions  étaient enregistrées sur du papier photographique qui se déroulait  face à un  rayon  lumineux, ainsi naît l’électrocardiogramme à l’aube du 20° si ècle. « Maintenant, nous pouvons enregistrer l’activité électrique du coeur anormale et la comparer à l’activité normale » (Einthoven). Le principe de  l’enregistrement moderne est, à peu de chose près, celui qui  fut proposé  par Einthoven  : grâce  à  deux  électrodes  collées à  la  surface  de  la  peau,  on enregistre  la  différence  de  potentiel  entre  deux  points  diamétralement  opposés  par rapport  au  cœur,  ce  signal  étant  directement  corrélé  au  Dans

 

les  fibres  du muscle  cardiaque.  L’activité  électrique  instantanée  peut être  définie  par  un  vecteur orienté  suivant  la  différence de potentiel  présente  dans  le cœur, et de module proportionnel à celle-ci. Le couple d’électrodes enregistre à chaque instant  l’amplitude  de  la  projection  de  ce  vecteur  suivant  leur  axe  :  ainsi,  lorsque  le vecteur  électrique  est  orienté  de  l’électrode  -  à  l’électrode  +,  on  observe  sur  l’enregistreur une déflexion positive, et lorsque le vecteur est orienté en sens inverse, la déflexion est négative. 

 

1-5-Tracé électrique du cœur

Le  battement  cardiaque  peut  donc  être  suivi.  En  effet,  chaque  phase  du battement  possède  un  tracé  électrique  particulier. Un  oeil  exercé  peut  donc,  dans  la plupart des cas, différencier de manière rapide la trace d’une contraction auriculaire du tracé de contraction ventriculaire . 

 

L’activité électrique d’un battement cardiaque normal est: La contraction des oreillettes se traduit sur l’ECG par une  onde  positive  appelée  onde  P  (fig.4.a).  Elle  est  suivie  d’une  courte  pause correspondant à la temporisation effectuée par le nœud (AV) .

 

La contraction brève et puissante des deux ventricules est représentée par  trois ondes : l’onde Q, l’onde R et l’onde S. On parle alors de complexe QRS (fig.4.b). Q est la première onde négative en début du complexe ; elle n’est pas toujours visible ; l’onde R  est  la  deuxième  onde  ;  elle est  positive  et  de  grande  amplitude,  la  troisième  étant l’onde  S.  L’onde  T  correspond  à  la  re-polarisation  des  cellules  musculaires  des ventricules (fig.4.c). Entre cette onde et l’onde S se situe le segment ST.

Figure 4 : Tracé électrique du cœur.

 

Dans  le cas physiologique, le  front  de  dépolarisation  auriculaire  résultant  est  représenté dans  l'ECG  par  l'onde  P. La repolarisation auriculaire est représentée par l'onde T et sa direction est opposée à celle de l'onde P. le complexe QRS  d'amplitude  plus  importante correspond  à  la  dépolarisation ventriculaire  et  représente  la  déflection  de  plus  grande  amplitude  de  l'ECG.  Il  est constitué  de  trois  ondes  consécutives  (les  ondes  Q,  R  et  S)  qui  sont  associées respectivement  aux  vecteurs moyens  d'activations  septales,  ventriculaires  et  basales, présentées  auparavant.  Dans certains cas, une onde, dite onde U, de  très basse amplitude peut être observée  après  l'onde  T.  Bien  que  son  origine  physiologique  n'ait  pas  encore  été démontrée .

Figure 4.1 : Ondes, intervalles et segments dans l'ECG  pour un battement physiologique.

 

Outre  les  formes  d'ondes,  un  battement  cardiaque  est  aussi  caractérisé  par plusieurs segments et intervalles (fig 4.1) :

 

L’intervalle PR : il est mesuré entre le début de l'onde P et le début du complexe QRS. Cet  intervalle  représente  la  dépolarisation  des  oreillettes  et  du  nœud  AV.  Sa  durée normale est de 0 ,14 à 0,2 s. Cet  intervalle est utilisé pour  la détection des arythmies ainsi que pour  l'étude de  la variabilité de  la  fréquence cardiaque.  Il sera présenté plus en détails dans ce travail en raison de son importance.

 

Le  segment PR  :  c'est  la  période  temporelle  comprise  entre  la  fin  de  l'onde P  et  le début  du  complexe  QRS.  Il  représente  le  temps  de  transmission  du  front  de dépolarisation par le nœud AV.

 

Le segment ST : il est compris entre la fin du complexe QRS (ou point J) et le début de la  phase  ascendante  de  l'onde  T. Ce  segment  correspond  au  temps  pendant  lequel l'ensembl 

des  cellules myocardiques sont dépolarisées et donc, dans  le  cas normal, doit  être  isoélectrique. Dans  le  cas  contraire,  le  niveau  d'amplitude  et  la  pente  de  ce segment sont des indicateurs de l'état ischémique du myocarde .

L’intervalle QT  :  le  temps  entre  le  début  du  complexe QRS  et  la  fin  de  l'onde  T.  Il représente une indication de la longueur des phases de dépolarisation et repolarisation ventriculaire  (longueur  moyenne  d'un  PA  ventriculaire).  Sa  durée  varie  avec  la fréquence cardiaque entre 0.3 et 0.38 s .

 

1-6-Système de dérivations de l'ECG

L'électrocardiographie  moderne  s'appuie  sur  l'étude  de  12  dérivations  (ou dérivations standards). Parmi les 12 dérivations, trois sont appelées bipolaires (fig.4.1), trois  unipolaires  augmentées  (fig.5.1).  et  six  précordiales  (fig. 5.1.2).  Différentes méthodes de placement d'électrodes ont été proposées pour  l'électrocardiographie de 12 dérivations.  Un  système  de  dérivations  consiste  en  un  ensemble  cohérent  de  dérivations, chacune  étant  définie  par  la  disposition  des  électrodes  sur  le  corps  du  patient. L'emplacement des électrodes est choisi de façon à explorer la quasi-totalité du champ électrique cardiaque. Plusieurs systèmes standardisés existent.

 

1-6-1-Le triangle d'Einthoven

Le système d'Einthoven se base sur les hypothèses suivantes : -  L'activité  électrique  du  cœur  est  équivalente  à  celle  d'un  dipôle,  dont  la  direction, l'orientation et le moment varient au cours de la systole, mais dont l'origine reste fixe.

- Les membres sont de simples conducteurs linéaires.

- Le corps constitue un milieu résistif homogène.

 

Einthoven a proposé  trois dérivations, appelées bipolaires car  le potentiel est mesuré entre deux électrodes : DI, DII et DIII. Elles sont obtenues à partir des potentiels du bras gauche (L), du bras droit (R) et de la jambe gauche (F), de la manière suivante :

DI=VL-VR

DII=VF-VR

DIII=VF-VL

avec DI + DIII = DII.

où  VR  correspond  au  potentiel  au  bras  droit,  VL  correspond  au  potentiel  au  bras gauche, et VF correspond au potentiel dans la jambe gauche. Ce  système  de  référence  est  schématisé  par  un  triangle  équilatéral  appelé  triangle d'Einthoven, dont les sommets

représentent les localisations des électrodes (voir figure 5.1). Ces dérivations explorent l'activité cardiaque dans le plan frontal.

Figure 5.1 : Dérivations bipolaires et triangle d'Einthoven

 

Ces dérivations, appelées aVR, aVL et aVF, mesurent la différence de potentiel entre chacun des trois points et le potentiel moyen des deux autres. On obtient ainsi  des  dérivations  augmentées  d'un  facteur  1.5  par  rapport  aux  dérivations  de Wilson.

Figure 5.1.2. : Dérivations unipolaires augmentées.

 

1-6-2- Dérivations unipolaires précordiales

Afin de mesurer les potentiels proches du cœur, les dérivations précordiales sont introduites  dans .  Ces  dérivations  unipolaires  (V1  à  V6)  recueillent  l'activité cardiaque  dans  le  plan  transversal,  et  correspondent  aux mesures  de  différences  de potentiel  entre  chaque  électrode  et  la  borne  centrale  de Wilson.  Les  électrodes  sont situées en six points repérés anatomiquement sur  l'hémithorax gauche comme  l'illustre la figure1.6.

Figure 5.2 : Les douze dérivations standard dans chaque plan du corps

 

1-7- Artefacts visibles sur l'électrocardiogramme

Sur  tout  enregistrement  électrocardiographie  il  peut  apparaître  des évènements  indésirables  pouvant  brouiller  le  tracé  et,  parfois,  induire  en  erreur  le diagnostic final. Ces bruits sont reconnaissables par l’œil expérimentale qui les identifie avant  d'effectuer  son  diagnostic. Ces  perturbations  ont  fait  l'objet  d'études  et  restent, pour certaines, encore difficiles à traiter de manière automatique. Les effets indésirables peuvent  avoir  plusieurs  sources : techniques,  physiques,  pathologiques,  ou pharmacologiques. Nous allons présenter des bruits et artefacts présents  sur  le  tracé électrocardiographie notamment sur les tracés Holter.

      

En partant du principe que  les bruits  fréquents en électrocardiographie sont des bruits additifs,  les  caractéristiques de  ces bruits auxquelles nous allons nous attacher sont : l'amplitude, la périodicité, et la bande spectrale. Les artefacts prennent une place particulière  dans  la   recherche   puisqu'ils  induisent  des modifications  des  performances des algorithmes chargés de  l'analyse automatique de  l'électrocardiogramme. Les plus courants sont présentés ci dessous :

•  Bruit dû au secteur.

•  Bruit dû aux mouvements d'électrodes.

•  Mouvements de la ligne de base.

•  Bruit musculaire.

 

1-8Conclusion

Dans ce recherche, nous avons exposé l’anatomie et le fonctionnement électrique du cœur qui est  l’élément central du système cardiovasculaire, puis on a montré le principe de son tracé électrique et l’origine de l’électrocardiogramme (ECG) qui explique les différents contractions du cœur par des ondes particulières (P, Q, R,S, T) et des segments et des intervalles (PR, ST, QT), ainsi que les différents trouble de cette activité visibles sur l’ECG.